jérémiade #18

La piscine à la plage
L’été dernier, j’ai fait une rencontre… Alors une rencontre… Ça a changé ma vie. J’ai rencontre Mich. On s’est rencontrés en faisant de la natation. D’abord j’ai nagé tout seul, et à un moment donné, Mich est arrivé comme ça, l’air de rien et m’a demandé si je voulais pas nager avec lui. Et moi, je sais pas pourquoi, sur un coup de tête j’ai dit oui. Mich n’était pas tout seul. Il était avec deux collègues, qui nous ont laissés rapidement. C’est que Mich travaillait, ce jour là. Donc, grâce à la discrétion de ses collègues, Mich et moi on s’est retrouvés tous seuls dans les vagues vendéennes. Alors, je ne sais pas si vous avez déjà fait trempette avec un pompier dans l’atlantique… C’est quelque chose. Et tous les deux on a tout de suite sentis qu’il avait quelque chose de fort entre nous. D’abord des vagues de trois mètres. Puis la ligne qui attachait Mich à ses collègues à la plage. Et eux, d’ailleurs probablement jaloux de notre intimité houleuse, ils tiraient comme des fous pour nous ramener sur la plage. À un point qu’on n’arrivait plus à sortir la tête de l’eau. Et puis Mich, il a fait ce qui m’a prouvé qu’il tenait, comme moi à vivre à fond ce moment dans l’eau froide, Mich il a ouvert son harnais et a lâché la ligne. Il m’a dit plus tard, dans l’ambulance, que c’était pour pas qu’on se noie, mais je sais lire entre les lignes, moi. Vraiment seuls maintenant, emportés à nouveau au large par le courant et les vagues, Mich et moi, on s’est regardés, puis on s’est tenus la main, c’était évident qu’on voulait la même chose. Survivre, d’abord, bien sur, mais derrière tout ça il y avait autre chose. Les rochers. Et les méduses. J’ai du mal à rendre justice à ce moment avec les mots, il fallait être là, nous voir dans l’eau, Mich et moi, main dans la main, épaule à épaule, balloté par les vagues, immergés à intervalles irréguliers par la barre des vagues.
Toutes bonnes choses ont une fin, et Mich, il était au travail quand même, il n’était pas là pour s’amuser. Et je crois aussi qu’il n’assumait pas complètement. Il n’a pas osé de mettre tout le paquet pour cette première rencontre. Ce qu’il était pudique, Mich. Il m’a avoué après qu’il avait préparé plus pour moi, que l’hélico pour nous sortir de là était déjà en route. Il a du se dire que ça faisait peut-être trop pour une première rencontre et du coup on a continué à nager jusqu’à mettre pied sur terre ferme. Donc Mich et moi on s’est retrouvés sur cette plage idyllique, complètement désert (si on fait abstraction des dizaines de pompiers, des policiers et de la centaine de badauds en maillot de bain qui filmaient avec leur téléphone portable). Et là, Mich m’a abandonné. Je pense que le regard des autres était trop fort, ou peut-être était-ce la tristesse que ça n’allait pas aller plus loin entre nous, lui le pompier-plongeur qui sauve des vies et moi, l’artiste-branleur qui se noie.
Les collègues de Mich se sont mis à me toucher à leur tour, à me couvrir d’attention et d’une couverture chauffante, ils me chauffaient bien, quoi. Il y avait Gui-Gui, Jojo et les autres. Mich est quand même venu me voir dans l’ambulance pour dire au revoir. On s’est mis d’accord qu’on n’allait plus se voir, du moins pas dans des circonstances aussi engageantes. Une fois mon Parkinson temporaire passé et ma température remonté dans des sphères mesurables par des thermomètres, je me suis rendu compte: Je l’avais échappé belle. Donc merci à Mich et ses collègues sans lesquels ce texte serait un texte posthume. Je vous remercie de m’avoir lu et faites attention à vous! C’est pas tous les jours qu’il y a un Mich qui vous sort de là.


(En hommage aux pompiers de Sables-d’Olonne. Le 4 aout 2015, j’ai failli mourir noyé. Ils en ont décidés autrement.)

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